samedi 23 février 2013

Fin de l'écriture manuelle ?

“Le Point“ publie cette semaine un article sur un sujet inattendu : l’écriture manuelle est-elle devenue inutile ? Faut-il en supprimer l’enseignement à l’école, au profit de l’apprentissage de l’usage du clavier ? Question iconoclaste qui fait bondir ! Et pourtant… 
Un premier débat — qui a un train de retard sur la technique, comme toujours — fait rage entre les défenseurs du livre papier et les adeptes de plus en plus nombreux de la lecture électronique. On argumente, ici, que la volupté du contact charnel avec le papier est indispensable au lecteur. On rétorque, là, que Gutenberg a détrôné le parchemin malgré les inconditionnels d’alors et que personne ne peut se mettre en travers du progrès. 
Sur ce sujet, le fond de ma pensée est que la littérature vole à quarante mille pieds de ces considérations-là. Écrire un livre, c’est y mettre l’autre dimension de soi-même, cette profondeur inaccessible autrement que par l’art sous toutes ses formes, pictural, plastique, mélodique ou littéraire. Lire ensuite ce livre, c’est accéder à cette dimension de l’au-delà de l’écrivain, que celui-ci a tenté de vous ouvrir. Il s’établit dans le binôme auteur-lecteur une véritable communion de pensée, et le livre en est le vecteur. Alors,
lorsque je lis un ouvrage, peu me chaut qu’il soit écrit sur papier ou sur tablette électronique. Ce que je veux c’est y retrouver l’auteur et sa pensée, et dans ma tête se dessine bien souvent, au fil des lignes, l’image d’un homme ou d’une femme qui écrit. L’avenir dira qui aura eu raison, qui avait tort.
Dès lors, s’ouvrira bientôt ce second débat : sur quel support écrire désormais ? Personne ne s’en rend compte, mais il y a déjà beaucoup de gens qui ne se sont pas servis d’un crayon ou d’un stylo depuis des mois, des années peut-être. J’entends crier : — regardez les messages que tapotent les jeunes sur leurs claviers ! Est-ce de l’écriture ? — Mais, est-ce la faute à la machine ? Depuis quand un crayon supprime-t-il les fautes de français ? La vérité est que ladite machine leur a au moins donné l’envie d’écrire, de s’exprimer, de contester. C’est déjà beaucoup. Mais, peut-être faudrait-il, en effet, que “l’Éducation nationale“ fasse un peu “d'Instruction publique“ (l'éducation est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des pédagogues, comme aurait pu dire Clémenceau) et instruise les enfants du bon usage de la langue française, afin que ces outils électroniques qu’ils ont la chance de trouver dans leur berceau, leur ouvre, comme lecteurs ou comme écrivains, un avenir de culture renouvelée. On aura peut-être perdu le charme désuet des pleins et des déliés, mais on aura fait émerger une nouvelle Renaissance de la littérature.

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