samedi 28 août 2010

L'Histoire au collège.

Voilà qu’une nouvelle polémique médiatique est en train de naître à propos des programmes d’histoire au collège : “Napoléon, Clovis et Louis XIV y seraient réduits à la portion congrue, au profit de l’étude d’empires africains comme Songhaï ou Monomotapa, de l’Empire chinois des Han ou de l’Inde des Gutpa”. (Le Figaro 28 08 2010)
Dans un camp on trouve les défenseurs de l’histoire de France, sanctuaire de notre identité nationale. Dans l’autre camp se rangent les partisans de l’ouverture au monde, qu’il n’est plus possible d’ignorer. Les deux ont raison, les deux ont tort. 
Nous sommes face à un problème de civilisation, qui touche l’humanité entière. Le savoir a débordé l’homme. La masse, devenue colossale, de connaissance que les générations futures devraient ingurgiter pour suivre les progrès de la civilisation, à désormais dépassé les capacités cognitives du cerveau humain. Et ceci ne vaut pas seulement pour l’histoire, mais pour les sciences, pour les langues, pour toutes les disciplines de l’enseignement. Comment superposer à nos anciens programmes, sans rien en enlever, l’étude de la Chine, de l’Inde, du Moyen-Orient, mais aussi du big bang, de l’infiniment petit quantique, de la génétique, de l’art, de la littérature, etc ? 
Nos enfants sont-ils condamnés à être des ignorants de pans entiers du savoir humain, seulement spécialisés dans telle ou telle discipline ? De tels cerveaux, alors, seraient infirmes. Ou bien, chacun devra-t-il se contenter d’une vague coloration d’un savoir commun, utilitaire, à charge pour certains de se spécialiser ensuite ? Mais alors, les autres, quel avenir ? Les progrès de la technologie, autour de solutions comme Internet, ou la diffusion du livre électronique, viendront-ils au secours des neurones ? Alors, ce n’est pas seulement de programmes qu’il faut parler, mais d’une refonte totale de l’enseignement, à la hauteur de l’enjeu du troisième millénaire.

dimanche 22 août 2010

Kipling

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître 
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage 
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite 
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire 
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils.

Rudyard Kipling

jeudi 19 août 2010

Injection médicalisée de la drogue !

Face à l’incohérence de la proposition de créer en France, des salles d’injection légale d’une drogue illégale, quelqu’un propose, dans la presse, d’en réserver la distribution aux pharmacies !
Voilà en tout cas, qui ferait bondir le chiffre d'affaire des officines ! Transférer, avec exclusivité bien sûr, le fonds de commerce de la drogue dans les pharmacies, quelle géniale idée ! Avec remboursement par la Sécurité sociale, pendant qu'on y est ! 
Réfléchissons un peu. Ou bien la drogue est dangereuse pour la santé publique, ou bien elle ne l'est pas. Si elle ne l'est pas, pourquoi en rendre le commerce illicite ? On pourrait même l'organiser, le patenter et prélever l'impôt. Les bureaux de tabac y retrouveraient l'activité d'antan. Soixante-cinq millions de Français se shooteraient légalement et le commerce serait florissant. Mais si la drogue est dangereuse, comment deviendrait-elle inoffensive en transitant par les pharmacies ?
Alors, que faire ? À force d’éluder la question, on laisse l’incendie se propager. Or n’importe quel pompier vous dira qu’il faut combattre l’incendie à la base des flammes. Ce n’est pas en faisant la chasse aux petits dealers de banlieues que l’on maîtrisera la situation, mais en démantelant les cerveaux de ce business international. Mais voilà, qui va-t-on découvrir ? Les ramifications sont tellement énormes, les réseaux si puissants, les retombées tant bénéfiques pour beaucoup, que personne n’ose s’y frotter.
Une autre approche serait de s’interroger sur les raisons de l’assuétude qui affecte les populations consommatrices. Ce besoin croissant de drogue n’est-il pas l’une des conséquences calamiteuses de la déstructuration spirituelle des individus, systématiquement pratiquée depuis quarante ans (faites le compte) ? À force de vider les esprits, par les médias et par l’école, de tout sens de la vie, on les a précipités dans la fuite ; et la fuite, c’est la drogue. Alors, une thérapie pourait-être de remplacer enfin cette culture du néant, par un retour à l’humanisme, à la primauté de l’esprit sur la matière, à la magnificence de l’être humain. Qu’il serait beau le pays où chacun retrouverait sa place et son rôle sur la scène de la vie. Alors il n'y aurait plus besoin de drogue.

mardi 10 août 2010

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

On peut lire dans l’excellent magazine Le Point de cet été 2010 les propos du philosophe André Comte-Sponville :
 “La plus grande de toutes (les questions métaphysiques concernant l’origine du monde) reste : Pouquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Question définitivement sans réponse (...). Pourquoi le big bang plutôt que rien ? (...) Pourquoi Dieu plutôt que rien ? On ne répond jamais, on ne fait que déplacer la question…”
Pour ceux que la torpeur de l’été pousse à la méditation, je veux livrer cette piste de réflexion. 
Pourquoi butons-nous sur l’apparent mystère de cette vieille question de Leibnitz ? Parce nous ne pouvons nous extraire du décor du temps et de son espace ; parce nous ne faisons pas l’effort de penser en cinq dimensions. Alors en effet, comment comprendre que “quelque chose” jaillisse de “rien” ? Mais, oû voyons-nous que l’inverse de “quelque chose” est “rien” ? 
La création est un acte qui s’engendre hors du temps, puisque le temps fait à l’évidence partie de la création. (La Genèse ne dit pas autre chose qui décompte le temps au fur et à mesure de ses actes de création : “ce fut le premier jour… le deuxième jour… et ainsi de suite”).
Que peut-être ce monde, considéré en cinq dimensions, sinon le royaume du Tout ; du Tout temporel, avant et après confondus en un instant éternel ; du Tout spatial, ici et ailleurs confondus en un point infini ?
La Création, dès lors, est la vision qui nous est donnée, en séquences successives, dans notre espace-temps à quatre dimensions, d’une vérité totale, qu’en termes de religion nous appelons Dieu. 
La question ci-dessus évoquée est le parfait exemple de cette illusion d’optique, de cette erreur d’observation. En deçà du commencement il n’y a ni quelque chose ni rien. Il y a Tout. Ce quelque chose qui crée mystère, n’est pas issu de rien mais de Tout. Et la question aurait dû être : “Comment aurait-il pu se faire qu’il y eut rien, qu’il n’y eût pas Tout ?”.