samedi 3 avril 2021

« Ceci est mon corps »

 Il y a deux mille vingt et une années, Jésus partageait son dernier repas avec ses douze disciples. Il sait que demain il va mourir martyrisé sur la croix du supplice. Il ne fait rien pour s'y soustraire. Telle est la volonté de son Père qui est en lui. 

« Il prend le pain, il rend grâce, il le rompt et le donne à ses disciples, en disant : prenez et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous. De même, il prend la coupe. De nouveau il rend grâce, et la donne à ses disciples en disant : prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang qui sera versé pour vous ». 

Il faut décrypter ce qui s’est passé ce jour-là, pour mesurer l’ampleur du "big bang" christique qui, il y a vingt siècles, a fondé l’humanité chrétienne. En deux mille ans, la science des hommes a beaucoup appris. Elle a appris, entre autres choses, que l'orgueilleuse matière qui se croit seule vérité n'est que la perception qui nous est laissée d'une vérité plus profonde, immatérielle, vibration omniprésente d'un au-delà d'Esprit, de Pensée. Le mystère de l'incarnation se laisse désormais un peu deviner. 

Jésus qui sait son corps habité de Dieu, son Père comme il aime dire — si l’on rejette a priori cette vérité première, plus rien n’a de sens — sait aussi que ce corps de chair, demain, ne sera plus. Pourtant, sa mission divine n'est pas achevée. Elle commence. Alors, par un acte volontaire de consécration, il transfert la force de l'Esprit qui est en lui, à la nourriture qu'il distribue. Le pain est devenu sacré. Il nourrira de Dieu les douze apôtres qui l'entourent. « Ceci est mon corps. Mangez-en tous » ! Que leur commande-t-il ? Certainement pas de se nourrir de chair humaine, mais de laisser entrer en eux l’Esprit qui vibre au plus profond de son propre corps, et qui, désormais, siège pour toujours au tréfonds de ce pain sacré. Demain, sur la Croix, Jésus ne sera plus que chair humaine martyrisée. L'Esprit est désormais dans le pain consacré qui nourrira l'humanité. La terrible plainte du Christ prend ainsi tout son sens : « Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? »


Mais, Jésus n'en reste pas là. Il ajoute : « Vous ferez cela en mémoire de moi ». Vous ferez quoi ? Eh bien, je vous délègue le pouvoir d'offrir vous aussi mon corps, c'est-à-dire l'Esprit de mon Père, à travers le pain et le vin qu'à votre tour vous consacrerez. L'Histoire nous confirme que les douze eurent en effet des disciples auxquels ils transmirent cette délégation de pouvoirs qu'ils avaient reçue. Et il en fut ainsi jusqu’à nous.

Là se trouve l'acte fondateur de l'Eucharistie. Dans la profondeur immatérielle de l'hostie qu'offre le prêtre aujourd'hui, siège bien l'Esprit de Dieu matérialisé dans le corps du Christ.