Tel est le verdict du tribunal des médias. Face à un monde “réel”, qui serait vous et moi et tous les autres, se développerait, à grande vitesse sur la fameuse “toile”, un univers factice où chacun viendrait désormais vivre une autre vie.
Cette pensée officielle reconnaît, certes, la puissance désormais incontournable de ce réseau de communication immédiate entre les hommes. Elle en accepte la conséquence heureuse qu’est l’explosion de la diffusion de la connaissance. Elle déplore avec raison que des régions trop vastes du globe terrestre en soient encore exclues, et s’interroge sur le visage du monde quand, en effet, six ou sept milliards d’êtres humains seront “connectés”. Mais elle n’en démord pas, ce monde-là est virtuel.
Mais le monde “réel” auquel pensent ces médias n’existe pas ! Ou, plus exactement, il est inaccessible, ce qui revient au même. Pour qu’il puisse se matérialiser, il faudrait que des communications physiques, réelles, s’établissent en nombre et instantanément entre tous les points de la Terre. Que chacun puisse se voir en vrai, se parler, se toucher. Ce n’est évidemment pas possible. Personne ne peut dire qu’il connaît la réalité de la Chine à l’Amérique, du Groenland à l’Antarctique. D'aucuns peuvent avoir séjourné ici ou là, mais jamais partout à la fois ni perpétuellement. La connaissance que nous avons de notre monde n’est que l’image que nous en fournissent les médias. Et c’est cette image que nous appelons réalité. Mais c’est elle qui est virtuelle !
Internet, au contraire, est en train de nous fournir la réalité du terrain. Sans fioriture, sans prisme déformant, sept milliards d’hommes et de femmes de toutes latitudes, de toutes conditions, de toutes cultures pourront bientôt, instantanément et simultanément, se parler, se voir et se comprendre. Alors, un monde réel s’ouvrira, qui n’a encore jamais existé dans l’humanité, et il en sera fini du monde virtuel de la pensée codifiée, aseptisée, préfabriquée.