vendredi 5 octobre 2012

Démocratiser… la faillite !


Il n’est pas si vieux que cela, le temps où il paraissait naturel de gagner son argent avant de le dépenser… Jamais, mes grands-parents n’auraient osé acheter quelque chose, et le payer plus tard.  Et mes parents ensuite, ironisaient sur ces nouveaux ménages qui, à peine mariés, avaient “déjà tout“, comme ils disaient, frigidaire compris. On venait de démocratiser l’achat à crédit, c’est-à-dire l’endettement, c’est-à-dire la jouissance avant le travail.
La méthode aurait été sans grande conséquence si elle était restée confinée dans les limites d’une vie humaine active. Après tout, celui qui veut manger le dessert avant la soupe, jouir d’abord des fruits escomptés de son travail et travailler ensuite, est libre. Mais voilà ! Très vite on voulut les deux. Jouir d’abord et se reposer ensuite. Le bon sens criait que c’était folie ! Qui allait payer ? 
L’État, répondirent en chœur ces consommateurs irréfléchis, les industriels ravis de l’aubaine, et les politiques plus soucieux de leur réélection que du bien public. 
Qui était donc ce mécène providentiel, cet état gâteau qui faisait de tels cadeaux ? Il ne vint à l’idée de personne que c’était peut-être soi-même que l’on regardait de l’autre côté de ce miroir aux alouettes. Il n’y avait personne derrière la vitre. “L’État, c’est moi“, disait Louis XIV. Mais, depuis, nos aïeux ont coupé la tête de la royauté pour déclarer le peuple souverain. Alors, désormais l‘État, c’est nous. Nous, nos enfants et leurs descendants. C’est à dire, le contribuable, mais aussi le consommateur. Tout le monde ! 
Foin de ces grincheux ! On n’allait tout de même pas vivre comme nos vieux qui attendaient la fin de leur vie pour découvrir le bord de la mer ! Pour payer ? On demandera de l’augmentation, voilà tout ! 
Alors, comme l’Univers en expansion, la machine à s’endetter s’accéléra. Au début, on en prenait pour dix ans. Chambre à coucher Louis XV, salle à manger Louis XVI — des rois qui n’étaient déjà plus l’État — ! Et la cuisine de mes rêves, et la télé, et les voitures, et l’ordinateur, et les portables, et les Ipads ou autres… Et puis le Club Med, le ski ruineux et les voyages au bout du monde ! Après tout, pourquoi ceux-ci seraient-ils réservés aux retraités ? Allons-y, on paiera après ! Dix ans ne suffirent plus pour rembourser. Il en fallut vingt, trente, bientôt plus qu’une vie active : on endetta les enfants. 
Puis l’État aussi s’en mêla, ce double de soi-même, ricanant de l’autre côté de la glace : donnons leur la Sécurité Sociale, les soins gratuits, les hautes études pour tous. Il fallut aussi les infrastructures pour faire rouler les innombrables voitures impayées, des trains ultras rapides pour occuper les loisirs. Qui paiera ? Mais l’emprunt, voyons ! Et qu’on ne se plaigne pas, l’on n’est pas encore prêts pour aller dans la Lune !
Que chacun veuille bien réfléchir un instant à ce que représente cette masse colossale de dépenses accumulées, et la comparer au produit quantifié du travail qu’il a réellement fourni à la société et qui lui reste à fournir. Le déséquilibre donne le vertige. Combien d’années faudrait-il désormais travailler pour économiser assez, et rembourser ces emprunts ? Beaucoup plus qu’une vie humaine. Les créanciers attendront-ils ? Lorsqu’une entreprise est dans cette situation, elle fait faillite. C’est-à-dire qu’elle est tuée, dépecée, les créanciers s’arrachant la dépouille. S’agissant de l’État, c’est nous tous qui allons être dépouillés.

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