mardi 24 novembre 2009

Le "boson" futé !

Le plus grand accélérateur de particules jamais construit au monde vient de redémarrer. Un gigantesque tunnel circulaire de vingt-sept kilomètres, garni d’instruments de mesure, construit à cent mètres sous terre, au Cern, entre France et Suisse. Un investissement de près de quatre milliards d’Euros, et douze ans de travaux. Dans cet anneau, l’on va faire tourner, dans un sens, des protons, ces particules infimes qui composent le noyau de l’atome, à des vitesses folles, proches de celle de la lumière. Puis on va lancer d’autres protons dans l’autre sens. Et l’on va observer, dans des chambres souterraines immenses, construites à cet effet, les chocs frontaux d’une incroyable violence qui ne vont pas manquer de se produire. 
Ainsi, les physiciens de l’infiniment petit espèrent-ils casser les protons et «voir» de quoi ils sont faits. En particulier, ils espèrent déceler l’un de leurs composants mystère, ultime secret de la matière pensent-ils, la fameuse particule baptisée du joli nom de boson de Higgs. De quoi s’agit-il ?
Il convient d’abord de se familiariser avec l’échelle de petitesse dans laquelle nous nous trouvons. C’est très petit, vraiment très petit ! À ce niveau de petitesse, il ne faut pas imaginer ces particules comme des grains d’une matière qu’on briserait pour trouver des miettes encore plus petites. À cette échelle, tout se passe comme si l’espace n’avait plus la place d’exister ni le temps de s’y déployer. La matière y disparaît au profit d’autre chose. Mais de quoi ? Au profit d’un vide matériel soumis à un champ de forces, dit champ quantique. Dans ce champ, rien n’existe avant d’être mesuré, seule l’observation crée l’existence. Alors seulement naît la particule, matérialisation en trois dimensions spatiales du champ de forces. La particule est au champ de forces, ce que la note de musique est à la corde pincée, une potentialité qui n’a de réalité que si une oreille est là pour l’entendre.
Mais alors, notre boson ? Parmi toutes ces particules potentielles, certaines sont en effet dépourvues de masse (le photon), et peuvent dès lors atteindre la vitesse limite de la lumière. Mais d’autres présentent les caractéristiques d’une masse, une inertie. Or qu’est-ce que la masse, à cette échelle ? L’idée est que ces particules se heurteraient sans cesse à une marée de particules spécifiques, les fameux bosons de Higgs, qui, en les freinant dans leur évolution, leur conféreraient l’inertie d’une masse. C’est un peu comme une foule anonyme qui vous empêche de marcher, vous rendant lourd et lent.
Voilà ce que l’on cherche à déceler à l’aide de l’accélérateur de particules. Mais, direz-vous, ce boson est donc enfoui au cœur du proton, celui-ci enfoui lui-même au cœur du noyau atomique ? En réalité, ces particules ne sont dissimulées nulle part. Comme la note de musique, elles ne sont que virtualité avant que la collision ne les fasse «entendre». Elles ne sont pas de «morceaux» de ce qui a été brisé. C’est l’énergie du choc qui les a matérialisées, issues du vide qui n’est pas néant, mais qui est empli de potentialités qui ne demandent qu’à se réaliser, pourvu qu’on leur en fournisse l’énergie. Le vide quantique n’est pas le zéro, mais le tout. Une seule excitation de ce champ d’une autre dimension, et il projettera dans notre espace-temps ses condensations de forces que nous traduirons en terme de particules. Ainsi naît la matière.
Qui, maintenant, posera la question : si c’est ce boson de Higgs qui donne substance au vide, qui fournit une masse à toutes les autres particules, qu’est-ce donc qui confère à lui-même une masse ? On réinvente l’éther… ou bien ce boson mystérieux serait-il, comme on l’a déjà écrit, la «particule de Dieu» ?
Quel enseignement faut-il tirer de cette actualité ? Certainement pas qu’il faille mettre en cause le bien-fondé de cette recherche. C’est grâce à de tels travaux, parfois ambitieux, que les scientifiques souvent émérites font avancer la connaissance humaine. Mais la méthode réductionniste de la recherche, qui consiste à fouiller toujours plus avant l’infiniment petit, à casser et casser encore l’existant dans l’espoir de trouver la chimérique brique élémentaire de tout, trouve ici, avec éclat, ses limites. Elle ne pourra, cette recherche, découvrir «l’intention» du monde, les processus qui pilotent l’émergence et l’organisation de l’existant, si elle n’est pas associée aussi à une analyse synthétique du savoir, à l’observation vue d’en haut, vue du tout, vu de l’au-delà s’il le faut. Croit-on que c’est en détruisant une cathédrale et en en broyant les pierres que l’on comprendra à quoi elle servait et comment elle tenait ? Les secrets de son équilibre étaient dans les interactions de ses éléments. Et ceux-ci ne pouvaient se comprendre que dans l’observation globale de l’édifice, de l’intérieur et de l’extérieur. 
Pas simple d’observer l’Univers “de l’extérieur” !

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