mardi 12 novembre 2013

Les sifflets du 11 novembre 2013


Les commentateurs de toutes parts s’étonnent, s’interrogent, s’indignent que des citoyens aient osé huer le président de la République lors des cérémonies d’hommage aux morts pour la nation considérées à juste titre comme sacrées. Du jamais vu depuis 40, et encore s’agissait-il alors de protester contre l’occupation allemande.
Ils dénoncent la confusion de la personne et de la fonction. Ils évoquent la perte de la légitimité de la fonction présidentielle amorcée sous le précédent président et amplifiée par l’actuel. Et, pour éviter d’avoir à réfléchir aux causes profondes de cette situation, ils accusent en vrac les activistes d’extrême droite, les ultranationalistes, les militants contre le mariage homosexuel, les royalistes, les catholiques intégristes.
Ils n’ont pas vu qu’une révolution scientifique et technologique de l’information et de la communication a changé le monde en quelques décades. 
Nos parents n’avaient encore qu’une très vague conscience de leur appartenance à une humanité collective. Celle-ci était pour eux une idée abstraite, inaccessible. Ils ne s’y comptaient pas personnellement. Ils n’étaient occupés qu’à vivre, parfois à survivre. Dès lors, dans le président de la République, ils oubliaient l’homme et ne retenaient que la fonction. La même vision s’appliquait d’ailleurs à l’échelon local du maire, et même de l’instituteur. Il ne serait pas venu à l’idée des élèves de contester la personne de l’instituteur. Il était l’Instituteur, un point c’est tout.
Or voilà qu’une irrésistible vague de mutation technique a balayé tout cela en reliant soudain chaque homme, chaque femme, chaque enfant, directement et instantanément à la collectivité. Par Internet, les ordinateurs, les téléphones de poche, les réseaux, etc., chacun a brutalement pris conscience qu’il existait, qu’il comptait, qu’il faisait partie du tout. Voyez comment ceux qui n’avaient pas accès à ces outils modernes se battirent pour s’en procurer. C’était pour eux le lien de vie sans lequel ils n’étaient rien. 
Dès lors s’est installée dans les esprits l’idée que le président, le maire, l’instituteur étaient aussi des hommes (ou des femmes), reliés comme eux, et à égalité, au même ensemble. La fonction s’effaçait devant le titulaire. Certes, celui-ci bénéficiait d’une situation d’autorité, mais, la méritait-il ? On découvrait ce que l’on sait déjà depuis longtemps dans les entreprises, à savoir que l’autorité ne découle pas de la fonction, mais de la reconnaissance des autres. 
Alors, le chantier est devant nous. Il faut reconstruire nos démocraties à la mesure de cette nouvelle humanité connectée. Un chef d’État, désormais, devra être le meilleur d’entre nous. Et le peuple le jugera en direct, en temps réel, instantanément. 

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