dimanche 27 octobre 2019

Petite histoire du bocal vide

J'ai commencé mon dernier livre(*) par cette anecdote :
Un professeur fit un jour devant ses élèves la démonstration suivante. Il prit un bocal en verre qu'il emplit de galets. Puis, il demanda à ses élèves si le bocal était bien plein. Oui, répondirent ceux-ci. Il prit alors du sable qu'il versa dans le bocal, entre les galets, et reposa la question. Cette fois, les étudiants ne s'y laissèrent pas prendre et dirent non. En effet, le professeur prit un verre d'eau qu'il versa dans le bocal sans qu'il en débordât une goutte. Alors, il posa une autre question : 
— Quelle est la morale de cette histoire ? 
— Cela prouve, dirent les uns, que lorsqu'on n'a plus le temps, il reste toujours un peu de temps ; ou bien... etc. 
— Rien de tout cela, répondit le professeur. Cela montre seulement que si vous vouliez emplir le bocal en commençant par l'eau, puis en y versant le sable, et enfin les galets, vous ne parviendriez jamais à tout y placer. Il en est de même pour votre vie. Si vous voulez bien la remplir, ne commencez pas par y mettre les futilités. Vous n'auriez alors plus la place d'y loger l'essentiel. Posez-vous seulement la question : quel est l'essentiel ?

Or, en y réfléchissant depuis, je me suis avisé que ce bocal ainsi empli était loin d'être plein.
En effet, ces galets, ces grains de sable, ces molécules d'eau ne sont qu'assemblages d'atomes qui, s'ils étaient extraits et entassés au fond du bocal n'en rempliraient que le cinquième. Le bocal est-il donc vide aux quatre cinquièmes ? 
Bien au-delà ! Car tous ces atomes n'ont de matériel que leur noyau autour duquel gravite l'énergie des électrons. Or, si je pouvais extraire tous les noyaux atomiques des atomes de ce bocal, ils prendraient dans le fond moins de place qu'une tête d'épingle ! Autour, il n'y a rien, le vide ! 
Avons-nous atteint cette fois le fond de la matière de ce bocal ? Même pas ! Car, qu'y à-t-il dans ces noyaux atomiques ? Des nucléons, neutrons et protons, chacun mille milliards de fois plus petits qu’une tête d’épingle. Et, qu'y a-t-il dans ces nucléons ? Des particules évanescentes qui sont tout sauf des corpuscules de quelque-chose. On a pu les faire apparaître en cassant les nucléons dans des accélérateurs géants de particules. On les a manipulées, étudiées en laboratoire. On a découvert qu'en dessous d'une limite ultime de petitesse qui s'écrit avec trente-deux zéros au diviseur du millimètre, ces particules ne sont plus matière, mais paquets d’ondes, fréquences ondulatoires superposées, hors de l'espace et du temps, ou plutôt qui occupent tous les lieux de l'espace et tous les instants du temps. La science a ouvert la porte de l'Au-delà ! Elles ne se localisent, ces particules, que lorsqu'un observateur en capte la présence. La matière n'est matière que parce qu'on la regarde ! 

Alors ? Le bocal est-il donc vide ? Oui ! Désespérément vide de matière, mais plein d'autre chose ! Ou bien, plein de matière vide…
(*) https://sites.google.com/site/bernardhuetoserpenserautrement/

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