dimanche 19 juin 2011

Des hommes et des ordinateurs.

Je procédais, il y a quelques instants, à la correction d’un texte à l’aide d’un de ces logiciels spécialisés, au demeurant souvent efficaces. Pourtant, à plusieurs reprises celui-ci me signala des fautes d’accord qui n’en étaient pas, ou, à l’inverse, passait outre à d’autres qui l’étaient assurément. C’est que souvent, il peinait à trouver le sujet, le complément, le temps de la phrase, dans une construction grammaticale un peu inattendue pour lui. Parfois, il avait raison, et il mes suffisait de déplacer une virgule ou d’en placer une autre, pour que tout rentre dans l’ordre. Mais, souvent il avait tort. 
J’ai alors réalisé que l’art de l’écriture ne se satisfait pas des règles de grammaire, qu’il lui faut, comme pour une symphonie, la liberté de musarder en dehors du sentier balisé, de revenir sur ses pas, de franchir un obstacle. Dès lors que le lecteur a pris le rythme, la ballade est aisée et la lecture exquise. On dit que le texte est “bien écrit“.
Mais alors la syntaxe ne réside plus seulement dans l’application de règles logiques, les seules que l’ordinateur peut apprendre. Il faut nécessairement avoir lu le contexte qui précède, l’avoir compris et l’avoir retenu, pour pouvoir suivre sans trébucher une nouvelle phrase à l’articulation imprévue. Et cela, un ordinateur, même des plus performants, ne le peut pas. Quel ordinateur est capable de comprendre le sens de “je t’aime“, et de le garder en mémoire pour éclairer la suite ?
La même limite affecte d’ailleurs les logiciels de traduction. Combien de transpositions informatiques de textes étrangers dans notre langue maternelle nous apparaissent médiocres, sans âme, à refaire ? Traduire un texte d’une langue littéraire dans une autre, c’est d’abord le comprendre dans la profondeur des sentiments que son auteur a voulu y mettre ; et c’est ensuite le réécrire en mettant en œuvre toutes les ressources de la langue nouvelle. Aucun ordinateur ne saura le faire, car aucun ne saura lire dans la pensée de l’auteur.
Quand, dans une société, l’ordinateur prend le pouvoir sur les hommes, les déboires ne sont pas loin. 

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