Claude Allègre et Denis Jeamba écrivent dans la rubrique “Débats, opinions” du Figaro du 27 janvier 2010 : “ Il n’y a pas de Français de souche (...) Le vocable “Français de souche” n’a aucun sens. Il y a belle lurette que la biologie de l’ADN nous a appris que nous étions tous métis ” !
Je ne sais si les auteurs de ces lignes ont voulu provoquer, ou si la pensée de 68 les habite encore, au point qu’ils ne s’attachent plus au sens des mots.
Le Larousse définit ainsi “la souche” : “Partie inférieure du tronc d'un arbre, d'où partent les racines”.
S’il n’y a pas de Français de souche, alors la France n’a pas de souche, c’est à dire pas de racines. Ce n’est évidemment pas de la souche de ses montagnes et de ses plaines qu’il s’agit ! Autant dire qu’il n’y a pas de France, puisqu’un arbre sans racine, cela n’existe pas. Mais, si la France a bien une souche, celle-ci ne peut-être que la souche des Français. Donc, si la France existe, il y a bel et bien des Français de souche.
Puis ce dictionnaire ajoute à sa définition :”Origine de quelqu'un : Être de souche paysanne“. Et encore :”Source, origine, principe d'un ensemble ethnique, d'une famille linguistique : Mot de souche francique”.
Le Littré, quant à lui, précise, sous l’acception figurée :”Celui de qui sort une génération. Celui qui est reconnu pour être le plus ancien dans une généalogie : La souche de la maison des Capétiens. Faire souche, être le premier d'une suite de descendants”.
On ne peut être plus clair. S’il n’y a pas de Français de souche, alors ces ouvrages donnent les définitions de mots qui n’existent pas ! L’origine, la généalogie, la génération, la descendance sont des mythes à proscrire.
Un peu plus loin, les deux auteurs affirment :“Le produit de l’histoire le plus central dans l’identité nationale est, sans aucun doute, la langue”.
Mais, si l’identité nationale avait dû trouver son fondement dans la langue, alors les Canadiens seraient des Français, et les Alsaciens n’auraient jamais été des Français ! La langue commune découle de l’identité nationale, mais ne la détermine pas
Plus loin encore :“Après la langue, notre identité trouve son fondement dans la République où s’immergent les droits de l’homme et la laïcité”.
Est-ce à dire que si la Révolution n’avait pas coupé la tête du Roi, il n’y aurait pas eu d’identité française ? Toutes les nations du monde, ou presque, ont forgé au cours des siècles leur identité. Je ne sache pas qu’elles soient toutes des Républiques. La République est un aspect heureux de l’identité française. Elle n’en est évidemment pas la cause.
Quant à la laïcité, il s’agit d’une règle d’administration de l’État français, qui lui impose de faire sa tâche sans considérer les différences religieuses. C’est une mesure sage, mais qui, à l’évidence, n’a pas vocation à fonder une identité nationale. Il y a assez d’exemples de pays dont on ne peut contester qu’ils ont aussi une identité, et dont l’État n’est cependant pas soumis à ce principe de laïcité. Et puis, invoquer la laïcité le lendemain de la glorieuse non-décision sur la burqa me semble mal venu. Comment ne pas voir que c’est au contraire la stratification des spiritualités depuis nos ancêtres de Lascaux qui a forgé l’identité française. C’est la longue sédimentation de la pensée qui a fait la France. La France est la construction de l’esprit, de pères en fils.
L’enquête sur l’identité nationale aura eu au moins le mérite de faire remonter à la surface, tous les lieux communs, les déclarations péremptoires infondées, les recopies de pensée unique, les sous-entendus inavoués. Et cela, parce qu’on a peur des mots, peur d’aborder la question de l’immigration que le politiquement correct interdit d’évoquer, peur de perdre des voix. Alors, on est prêt à faire de la France un terrain vague, ouvert à toutes les irruptions, à tous les affrontements, à ceux qui entrent sans frapper, et qui frappent une fois entrés…
Oui, il y a des Français de souche, comme il y a des arbres enracinés. Certains sont de souche très profonde. D’autres de souche plus récente. Mais ceux-ci n’en sont pas moins dignes d’être Français ! Et un jour, leurs descendants deviendront eux aussi de souche profonde.
La France n’appartient à personne. Ou plutôt, elle appartient à nos enfants et à leurs descendants. Il nous revient seulement de cultiver cette forêt France et d’en préserver les souches.