mercredi 16 décembre 2009

Hasard, dieu imposteur

On veut expliquer le monde à l’aide du concept du dieu Hasard accouplé à la déesse Évolution. Va pour l’évolution des choses et des espèces, qui est d’ailleurs un constat et n’est en rien une démontration. Mais s’agissant du hasard, prétendu géniteur du monde, je voudrais que l’on m’explique : 
Si je lance une pièce de monnaie, supposée parfaite, elle retombera soit sur pile, soit sur face, sans qu’il soit possible à quiconque de prévoir ce qu’il en sera. On postule alors qu’il s’agit là d’une loi originelle qu’on dénomme hasard. Il ne reste plus qu’à professer que l’Univers obéisse à cette loi et l’on a tout expliqué. 
Mais si je relance ma pièce deux, dix, cent fois, j’obtiendrais à coup sûr, cinquante retombées sur le côté pile et cinquante sur le côté face, ou peu s’en faudra. Personne, jamais, n’a constaté le contraire, depuis qu’il y a des hommes sur Terre. On ne peut passer ce phénomène sous silence. Cela veut dire que le deuxième jet de pièce est, d’une manière ou d’une autre, influencé par le premier, que le troisième l’est par les deux premiers, et ainsi de suite jusqu’au centième qui “connaît“ nécessairement toute l’histoire des précédents coups. Il n’y a plus de hasard dans cette séquence. Il y a bel et bien une loi. Si ce scénario des cent jets de pièce obéissait au dieu Hasard, il conduirait aussi souvent à cent pour cent de retombées côté pile, ou à cent pour cent de retombées côté face, qu’à des solutions mitigées. Et le résultat est le même si, au lieu de lancer les pièces une à une, je les lance toutes ensemble. Le lancement d’une pièce obéit au hasard, le lancement d’une poignée de pièce ne lui obéit plus.
Non, décidément, le dieu “Hasard“ est un dieu bien secondaire, qui ne règne que sur des coups dispersés, mais certainement pas sur la finalité du monde.

dimanche 13 décembre 2009

Grand Attracteur.

L’on connaît l’expérience du pendule de Foucault. Un objet pendu par une longue corde au sommet de la voûte du Panthéon balance lentement. À chaque passage, il trace sur le sol la direction précise de son plan d’oscillation. Et l’on observe que ce plan pivote régulièrement autour de son axe vertical. Normal, direz-vous, la Terre tourne, c’est le plan du pendule qui reste fixe. Certes, mais fixe par rapport à quoi ? Tout tourne dans l’Univers. Quelque masse éloignée sert-elle de référence fixe au pendule ? Peut-être Soleil ? Non, car le plan d’oscillation tourne aussi par rapport à lui. Alors, le centre de notre galaxie ? L’expérience en a été faite, le pendule ne lui obéit pas davantage. Or, en observant bien ce qui se passe dans la direction où le pendule semble finalement se stabiliser, on décèle, en effet, un énorme amas de galaxies, situé à plusieurs centaines de millions d’années-lumière. Est-ce le mystérieux Grand Attracteur ? 
Alors, sous la voûte du Panthéon s’exercerait non seulement l’Esprit des grands hommes qui y reposent, mais aussi l’influence de l’Univers entier, jusqu’à ses confins les plus éloignés. 
Mais rendez-vous compte ! Pour atteindre cette masse énorme, même en voyageant à la vitesse de la lumière, il faudrait des milliards d’années. En ces temps-là, la Terre n’existait pas, ni le Panthéon et son pendule, ni les hommes pour le regarder tourner. Et qui nous assure que ce Grand Attracteur existe encore aujourd’hui ? Les images que nous en captons sont parties depuis des centaines de millions d’années ! Il a eu, depuis, largement le temps d’imploser sous sa masse, broyant peut-être sa matière dans le néant d’un monstrueux trou noir. Et pourtant, le pendule tourne… Sommes-nous les passagers aveugles d’un vaisseau qui fonce, sans le savoir, vers le mur qui l’anéantira ; vers un infranchissable seuil, au-delà duquel plus rien ne perdure, ni l’espace et son temps, ni la matière et son énergie ? 
Nous tournons autour du Soleil à la vitesse de 100.000 kilomètres à l’heure. Le Soleil avec sa cour de planètes tourne à son tour dans notre galaxie à la vitesse de 800.000 kilomètres à l’heure. C’est énorme, mais il faudra pourtant 250 millions d’années pour faire le tour. Puis tout cela fonce vers le grand nuage de Magellan que nous percuterons dans 3 milliards d’années après de longues circonvolutions. Cet accident sera suivi de peu par l’arrivée fracassante sur la galaxie Andromède qui s’approche à la vitesse de 300.000  kilomètres à l’heure. Collision fatale ? Feu d’artifice final ? Non, car entre les étoiles le vide est immense. Les orbites seront sans doute perturbées, mais la nouvelle galaxie se sera simplement enrichie de quelques centaines de milliards de soleils. Tout ce groupe continuera sa route, à la vitesse de deux millions de kilomètres à l’heure, irrésistiblement attiré, à son tour, par un superamas d’un millier de galaxies, l’amas de la Vierge. Et ensuite ? Eh bien, ensuite, ce que nous en savons, c’est que tout cela semble bien subir l’influence d’un mystérieux Grand Attracteur… 
Quel monstre assez massif peut attirer ainsi, à quelques centaines de millions d'années-lumière, le pauvre pendule du Panthéon ? Et quel boson magique peut transporter cette influence à travers l’immensité, quand il faut, à la lumière, des milliards d’années pour nous en parvenir ? Il ne peut y avoir de vecteur transporteur de quelque interaction que ce soit. Alors, il faut admettre que tout se tient dans l’Univers, l’infime connaît le colossal, le minuscule envahit l’immense. 
Mais au fait, qu’y à-t-il, plus loin que ce monstre ? À quelques milliards d’années-lumière au-delà, il y a le big bang, le zéro du temps, le zéro de l’espace, le zéro de la matière. Le Grand Attracteur ressentirait-il à son tour l’attirance irrépressible de l’ultime vérité, le point sans dimension, mais d’une masse colossale et d’une chaleur insoutenable, d’où “tout“ est parti ? Alors, les oscillations du pendule du Panthéon seraient-elles mues par la nostalgie d’antan, qui le ferait se tourner insensiblement vers son berceau ? 
Le big bang fut une formidable dispersion du Tout qui créa l’espace-temps. Le multiple ainsi engendré resta relié aux premiers instants où ce Tout était Un. Et maintenant encore, quelle que soit l’énormité des distances, chaque instant du temps, chaque point de l’espace, chaque parcelle de matière, chaque force du champ cosmique, porte en soi la totalité. Il y a, en tous les ingrédients de l’Univers, le “souvenir” de ce que fut cet “avant zéro“.
Et l’Homme, qu’en est-il de lui ? Tous issus des mêmes informations initiales, mus par les mêmes lois des infinis de l’Univers, il semble bien qu’au-delà de la chair, nous ne fassions qu’un. La multitude n’est qu’illusion de nos quatre dimensions. Comme ces déroutantes particules quantiques, qui sont partout à la fois, qui semblent dissoutes dans l’espace et dans le temps, et ne s’individualisent qu’à l’observation, nous sommes chacun, à la fois parcelle et ensemble, tous confondus en un seul et même réseau de Pensée. Six ou sept milliards d’hommes portent chacun, aujourd’hui, l’Univers entier. Quel fabuleux destin !