jeudi 25 mars 2010

Le livre numérique

Une page entière du Figaro Littéraire nous rassure aujourd’hui : l’édition papier n’a pas à trembler devant le livre numérique ! Un sondage nous apprend que 91% des livres lus le sont sur papier, pour 1% seulement en tablette numérique. Ça, c’est un scoop ! Continuons : à l’avenir, 71% des lecteurs resteront fidèles au papier contre 7% qui utiliseront le livre électronique. Je ne sais ce qu’aurait donné un sondage qui aurait posé les mêmes questions il y a quelques années quand fut lancé le compact-disc. Le Figaro est un journal sérieux. Mais quand il faut remplir une page, il arrive qu’on y mette n’importe quoi.
Quelqu’un nous explique sur cette page qu’il ne pourra pas se passer du contact papier. Opinion largement entendue. Moi non plus, je n’aime pas lire sur ordinateur, cela me fatigue les yeux. Mais de là à m’en tenir au fantasme du contact charnel avec le papier… Je préfère m’intéresser au contenu du livre, et je fais confiance aux ingénieurs pour résoudre ces problèmes de confort des tablettes de lecture.
Cette même personne dit qu’elle annote tous ses livres. Moi aussi, et je me reporte fréquemment à ces annotations lorsque j’écris. Or, précisément, il est souvent laborieux de retrouver le livre, la page, où ai-je lu ça ? Le même travail fait sur tablette permettra désormais de retrouver sans difficulté, comme sur l’ordinateur, telle ou telle citation, même lue il y a des années. Quelle richesse, d’avoir sous la main, à tous moments et partout, toute la bibliothèque du monde !
Enfin et surtout, j’attends avec impatience la généralisation de ce nouveau média, parce que cela me semble être un évènement historique dont personne ne mesure la portée. L'histoire de l'humanité pourrait se résumer au récit de l'évolution de son pouvoir de communication. L'humanité a commencé à se construire le jour où la pensée naissante a trouvé le moyen cognitif de s'exporter chez autrui. Il faut mesurer cette dimension de l'Homme pour comprendre l’importance que revêt le livre numérique. Le progrès intellectuel de l’humanité, qui répond à l’entropie naturelle, se mesurera en termes d’énergie de communication dépensée. Lire, c’est pénétrer l’intimité mentale de l’auteur. Mesure-t-on le bond énorme, social et culturel, qui verra sept milliards d’individus s’écrire et se lire sans contrainte, d’un antipode à un autre ? Avec la diffusion instantanée, directe et enfin affranchie du filtre des systèmes politiques, ou de la dictature du bien-pensant, nous sommes sans doute en face d’un média naissant dont l’histoire dira qu’il fut aussi important que l’invention de l’imprimerie.