Mais, pourquoi y a-t-il tant d'adeptes de la crémation ? Qu'est-ce donc qui fait tout à coup rejeter le rite ancestral de l'inhumation ?
La presse s'est emparée du sujet à l'occasion de cette Toussaint pour en déduire, avec une belle unanimité, que c'était là « le symptôme de la déchristianisation de la société française, de la perte d'influence de l'Église et du vieux référentiel judéo-chrétien » (Le Figaro 2/11/2024). La franc-maçonnerie athée, laïcarde et anti catho s'offre là un petit plaisir à bon marché en prenant ses désirs pour des réalités. Car l'Église n'interdit plus la crémation depuis longtemps. Un enterrement n'est d'ailleurs nullement un sacrement et, parmi les tenants de la crémation, se comptent de nombreux chrétiens. La religion n'a donc rien à voir avec le problème, n'en déplaise à ces chroniqueurs un peu rapides !
On pouvait lire aussi que des considérations écologiques plaidaient pour la crémation qui ferait moins de mal à la divine planète que la fabrication du ciment du tombeau... C'est tellement stupide qu'il vaut mieux passer !
L'une des raisons les plus sérieuses de cet engouement crématoire me semble être que cela coûte moins cher qu'un tombeau et son monument funéraire. On ne veut pas mettre cette dépense à la charge des siens, ni même l'engager pour soi-même. Alors, une petite cérémonie au funérarium autour d'un cercueil en carton fera l'affaire.
L'autre raison est le déracinement des familles françaises. On ne demeure plus toute sa vie dans le village de ses ancêtres ! Beaucoup de personnes ne savent plus où il serait légitime pour eux de se faire enterrer. Alors, les cendres répandues dans la nature règlent le problème.
Tout cela est bien désolant. Car, enfin, de quoi s'agit-il ? À une époque où a germé l'idée, oh ! combien fausse, que « mon corps est à moi », faut-il rappeler que le respect à la dépouille humaine n'a pas sa raison d'être pour soi-même, mais pour les autres, Pour rendre hommage à tous ceux qui, dans le passé nous ont donné leurs gènes, et pour offrir des racines à tous ceux qui prendront dans l'avenir le flambeau dans cette course de relais qu'est la vie sur Terre. Croit-on être né du néant, et retourner au néant, méprisant ainsi tout ce qui était avant, et tout ce qui sera après ?
L'homme est devenu homme, écrivait je crois Pierre Chaunu, le jour où il a enterré ses morts. Si, aujourd'hui, l'homme cesse d'enterrer ses morts,reste-t-il un être humain ?
Le corps humain est un mystère. Représentation matérielle et temporelle d'une autre vérité, immatérielle, celle-là, et probablement atemporelle, il ne relève certes pas du code de la propriété. Les chrétiens le savent bien, qui affirment dans le credo cette spiritualité de l'être. Quant-aux athées, n'ont-ils jamais entendu parler de ces particules dont nous sommes tous faits, à la fois corpuscules matėriels et vibrations immatérielles omniprésentes ? Quand nous tenons le corps, mort ou vif, nous ne tenons qu'une infime partie de la créature humaine, mais une partie quand-même. Alors, le culte des ancêtres, c'est bien sûr le culte des âmes, mais c'est aussi celui des corps.
« Rupture anthropologique » disent les auteurs des articles évoqués ci-dessus. Je crois plutôt qu'il ne s'agit que des séquelles désastreuses de l'éducation post-soixante-huitarde née d'un accident de l'Histoire, et qui guériront par un autre accident.